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Et si le chlore était le principal polluant de l'eau ?

Dernière mise à jour : 22 mai

Officiellement, tout va bien. La potabilité est une chance à l’échelle de la planète alors de quoi nous plaignons-nous ? Bon, il y a bien de temps à autres quelques alertes à la pollution agricole ou quelques reportages sur les résidus (médicaments, pesticides, plastique…) mais, globalement, l’eau du robinet est écologique et doit être valorisée. Circulez, y a rien à boire ? A y regarder d’un peu plus près, on pourrait toutefois s’interroger sur l’impact singulier et multiple du chlore, traitement le plus utilisé pour la potabilité de l’eau – car le moins coûteux – et dont on ne parle curieusement presque jamais. Le chlore est-il vraiment si efficace que cela ? Pourrait-on le remplacer voire s’en passer ? Et, surtout, comment donc limiter son impact et retrouver ainsi le plaisir de boire, sans plastique et sans risques ? Le point avec l’auteur du livre « La qualité de l’eau » (Ed. Médicis, 2020).

Cet article exhaustif a été initialement publié le 19 décembre 2022 sur le site notre-planete.info / C'est ici qu'il est mis à jour.


Dans cet article :

Actualité du chlore Chlore, THM et cancers « Le plus grand tueur des temps modernes » ? Le meilleur biocide désinfectant pour l’eau ?

Filtration, affinage et chloration : l’usage moderne du chlore Chlore politique et politique du chlore Chloration de l’eau et biorésistance Condamnés à toujours plus de chlore ? Le chlore contre le terrorisme... L’impact du chlore sur la peau… Le chlore volatil ? Le cas(tastrophe) des piscines… Quand le danger du chlore est officiellement reconnu Chlore et énergie de l’eau Chlore et déshydratation chronique Quand d’autres pays donnent l’exemple… Des perspectives bloquées en France ? Comment améliorer les choses ? Primum non nocere… Les conclusions de Joseph Országh Supprimer l’impact du chlore Vers l’eau biocompatible Pour en savoir plus

Les sources


« Grosse pollution au chlorothalonil dans les eaux souterraines suisses » titrait la RTS Suisse en mai 2020. [1] « Pesticides : de l’eau potable non conforme pour 20 % des Français » avertissait Le Monde en septembre 2022. [2] Comme dans tous les pays soumis aux aléas et lobbies industriels, notre eau est polluée par des résidus multiples. Ces chiffons rouges [3] font ponctuellement l’objet d’émissions et d’articles… ce qui évite de parler du plus important et principal polluant de l’eau : le chlore.


Découvert par un chimiste suédois en 1774, le chlore [4] a été copieusement utilisé comme gaz de combat asphyxiant par les allemands durant la première guerre mondiale. Aujourd’hui, en cas d’accident, un wagon de ce gaz tuerait jusqu’à 30% des gens dans un rayon de 2,5 km. [5]


De nos jours, son usage est un peu plus soft – même en piscines publiques – mais ses effets restent redoutables vis-à-vis du vivant. Le chlore, outre son odeur désagréable qui ne donne pas envie de boire, est un biocide toxique réputé altérer la flore intestinale, créer des maux de ventre, endommager le système enzymatique, affaiblir le système immunitaire et produire des dérivés cancérigènes. [6]


Pourquoi donc cette omerta sur ce polluant de base ? Mais parce que le chlore fait partie – avec l’ozone ou l’aluminium neurotoxique – du traitement officiel des Eaux Destinées à la Consommation Humaine (EDCH). Or un traitement autorisé – d’autant plus sans aucune limite [7] – ne saurait faire de mal, n’est-ce pas ? Et puis, le chlore n’est-il pas abondant dans la nature [8], n’en avons-nous pas tous déjà dans l’organisme [9] ?


Actualité du chlore

Mai 2023: Un taux maximum de 0,25 mg/L. de sous-produits de la chloration (SPC) vient d’être introduit dans la nouvelle directive européenne (UE)2020/2184 dite directive «eaupotable» (voir doc français p. 77 à 141) Fort bien sauf que ce taux est augmenté à 0,7 mg/L (soit 2,8 fois plus) si un traitement de désinfection est susceptible de les générer… C’est évidemment le cas du chlore et c’est un nouvel argument contre son usage : si du chlore est utilisé, vous voilà du coup 2,8 fois moins bien protégé contre les SPC cancérigènes (voir ci-dessous) !

Chlore, THM et cancers


Côté cancers, le chlore n’est pas coupable mais il est responsable. Il réagit en effet naturellement avec les matières organiques présentes dans l'eau – des feuilles en décomposition par exemple [10] – pour produire des « sous-produits de la chloration » ou SPC. Parmi ceux-ci, les trihalométhanes ou THM (chloroforme, bromodichlorométhane, bromoforme…) sont classés « cancérogènes possibles » (Groupe 2B) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). [11]


Or les concentrations de THM doublent en moyenne entre l’usine et le robinet. [12] Le risque est connu puisque la directive européenne en autorise 100 μg/litre et précise : « Si possible, sans compromettre la désinfection, les États membres devraient s’efforcer d’atteindre une valeur inférieure […] Les Etats membres veillent à ce que toutes les mesures appropriées soient prises pour réduire le plus possible […] la concentration de THM dans les eaux destinées à la consommation humaine. » [13]


« Des associations entre les SPC et certains cancers ont été observées dans de nombreuses études épidémiologiques. Il s’agissait principalement des cancers de la vessie, du poumon, du rectum et du côlon (InVS, 2006, part 1 ; Cantor, 2010) » détaille le Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, qui précise « Selon l’Institut de veille sanitaire, en dehors des intoxications ponctuelles, la plupart des pathologies potentiellement observables dues à la pollution chimique de l’eau de distribution sont des cancers qui résultent d’une exposition chronique (plus de 10 ans) à cette pollution. » [14]


En dépit de cela et assez étrangement, les données actuellement disponibles seraient, toujours selon l’Institut de veille sanitaire (InVS) « insuffisantes pour conclure à une relation causale entre l’apparition d’un de ces cancers et la consommation d’eau traitée par le chlore. » [15]


Oui d’un côté mais pas sûr de l’autre… Le débat sur le chlore mènerait-il déjà à la schizophrénie ? Santé Canada recommande également un maximum de 0,1 milligramme de THM par litre d’eau et précise « Le risque de contracter le cancer, à cette valeur, est extrêmement faible. » [16]


Extrêmement faible mais donc pas exclu… Et sur le long terme ? Et en effet cocktail avec d’autres substances chimiques ? Les études sur le sujet sont finalement assez rares, ce qui est tout de même curieux s’agissant de la substance la plus utilisée dans le monde pour la désinfection de l’élément vital par excellence… Le document canadien présente la synthèse des études sur le sujet :

  • « Les animaux de laboratoire exposés à des concentrations très élevées de THM présentent un risque accru de cancer. »

  • « Plusieurs études chez l’humain ont révélé un lien entre l’exposition prolongée à des concentrations élevées de sous-produits de la chloration et une incidence accrue de cancer. »

  • « Une étude a mis en lumière une augmentation du risque de cancer de la vessie et peut-être du côlon chez les sujets ayant consommé de l’eau chlorée pendant trente-cinq ans ou plus. » [17]

  • « Dans une étude réalisée en Californie, on a observé un risque accru d’avortement spontané chez les femmes enceintes qui buvaient de grandes quantités d’eau de robinet à forte teneur en THM. » [18]


Cancer et fausse-couche ayant toujours des causes multifactorielles, faire la part des choses et accuser le chlore se révèle scientifiquement compliqué. Le risque des SPC ou THM semble avéré mais, sans études d’envergure précises – qui n’ont jamais été entreprises – le doute et la confusion persistent…

« Le plus grand tueur des temps modernes » ?


Les fabricants ou vendeurs de filtres ont nettement moins de scrupules (et un intérêt économique) à s’en prendre au chlore. Leur citation préférée semble être celle du docteur Herbert Schwartz, biologiste et chimiste au Cumberland County College, à Vineland, dans le New Jersey :


« Le chlore est si dangereux, qu’il devrait être interdit. Ajouter du chlore dans l'eau c’est comme mettre en place une bombe à retardement. Cancer, troubles cardiaques, vieillissement mental et physique précoce sont des effets attribuables au chlore se trouvant dans l’eau de robinet. Il nous fait vieillir avant l'heure en accélérant les symptômes du vieillissement tel que le durcissement des artères. Je crois que si le chlore était proposé, aujourd’hui, pour la première fois, il serait interdit par la F.D.A. »

Ce collège a été rebaptisé depuis Rowan College South Jersey (RCSJ) et est un établissement d’enseignement supérieur comme il en existe des milliers aux Etats-Unis. [19] Aucune trace par contre d’un Dr Herbert Schwartz, probable ancien professeur et qui ne semble pas être passé à la postérité… dans le collège ou sur le net, mis à part cette citation non sourcée ou datée.


Autre personnalité mise en avant – en tout cas par les sites anglo-saxons : le Dr. D. Joseph Price, est l’auteur d’un livre intitulé Coronaries/Cholesterol/Chlorine, publié en 1987... petit livre qui, selon le commentaire d’un lecteur, ne citerait pas ses sources. [20]

La révélation principale du livre serait un lien établit entre le chlore et le cholestérol dans la survenance des problèmes cardiaques. Pour le Dr. Price, le chlore, « agent oxydant très similaire aux oxydes d'azote toxiques que nous avons dans l'air », serait rien de moins que « le plus grand paralysant et tueur des temps modernes, un poison insidieux » [21], « la cause d'une épidémie de maladies sans précédent qui comprend des crises cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux, la sénilité et l'impuissance sexuelle. » [22]


Et rien sur la crise énergétique ou la Xème vague Covid ?

Le meilleur biocide désinfectant pour l’eau ?


Le Dr Price a au moins raison sur un point : le chlore est bien un oxydant majeur. [23] Avec lui, aucun microbe ne résiste (en tout cas officiellement) et le marketing des pouvoirs publics semble avoir été efficace : « Le chlore est indispensable dans l’eau, je ne tiens pas à retrouver du choléra en Suisse » rétorqua un écologiste à une proposition d’amélioration de la qualité de l’eau.


Elément chimique de numéro atomique 17, de symbole Cl, le chlore [24] est le plus commun des halogènes, un puissant biocide, c’est-à-dire, en chimie, un « Produit qui détruit les êtres vivants, généralement utilisé contre les micro-organismes. » selon la définition du Robert.


« Bien que ciblant les organismes nuisibles, les biocides sont par définition des produits actifs susceptibles d’avoir des effets sur l’homme, l’animal ou l’environnement. » précise le Ministère de la Transition Ecologique. [25] « Les biocides deviennent souvent des micropolluants diffus, et parfois des polluants émergents. » complète Wikipedia. [26]


L’eau de nombreux pays en développement requiert évidemment une « potabilisation ». Le chlore, biocide le moins coûteux et le plus facile à mettre en œuvre, présente ainsi des avantages certains pour limiter les diarrhées et autres infections (typhoïde, diphtérie,...) Une personne sur trois soit 2,2 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à de l’eau salubre. [27] Conséquences, l’eau est toujours l’une des premières causes de mortalité dans le monde : 1,2 millions de morts par an dont, tous les jours, plus de 700 enfants âgés de moins de 5 ans ! Autant de scandales géopolitiques qui justifieraient un bien meilleur usage du chlore.


Mis au point par Philippe Bunau-Varilla, la désinfection de l’eau au chlore fut lancée durant la Première Guerre mondiale en raison des risques d’épidémies générés par la présence de nombreux cadavres dans les cours d’eau, dans la région de Verdun, d’où son nom initial de « Verdunisation ». En 1926 sort aux Editions Baillières le livre Autojavellisation imperceptible où l’ingénieur décrit sa « méthode d'assainissement intégral des eaux limpides par l'emploi de sels chlorés ».


Aujourd’hui, « Les produits à base de chlore (eau de javel, chloramines, dioxyde de chlore) [28] représentent les oxydants les plus largement utilisés pour la désinfection de l’eau de boisson. » explique Jean-Claude Block du CNRS. [29]


« Tous les désinfectants chimiques utilisés dans l’eau potable peuvent former des sous-produits susceptibles d’affecter la santé humaine. En général, nous disposons de moins de données sur les sous-produits des autres désinfectants que sur ceux de la chloration. » justifie Santé Canada. [30]


Curieux raisonnement mais il est vrai que le chlore présente des atouts, dont des propriétés rémanentes très pratiques : son action désinfectante serait valable tout au long du réseau de distribution d'eau, jusqu’au robinet de l’usager final. [31] Il est aussi le plus économique…

Filtration, affinage et chloration : l’usage moderne du chlore


Le chlore est, dans l’imaginaire collectif, intimement lié à la potabilisation de l’eau. Depuis les études sur les THM, la préchloration en amont est toutefois exclue : pas question de jouer avec les matières organiques encore en suspension et générer ainsi trop de composés organochlorés. [32] « En réseau de distribution, les produits chlorés ne sont pas utilisés stricto sensu pour traiter l’eau distribuée, tout danger doit avoir été préalablement éliminé par le traitement amont au mieux des techniques disponibles du moment et du lieu » explique Jean-Claude Block.


Ces différentes étapes de la filtration de l’eau nous sont présentées dans l’émission Allô Docteurs "Bien choisir son eau" (mai 2020) [33] : double clarification puis ozonation, filtre à charbon actif et enfin rayons ultraviolets (UV) pour « éliminer tout ce qui pourrait rester en bactéries, virus, parasites qui n’auraient pas pu être piégés sur les étapes de traitement précédentes »


Après ces différentes étapes, « Il ne reste plus alors qu'à fixer la qualité de l'eau avec du chlore » précise la journaliste. Une bien étrange formulation, comme si la qualité de l’eau était totalement indépendante du chlore…


« L'eau est un produit vivant donc va continuer d'évoluer pendant son stockage et son parcours jusqu'au robinet. Donc le chlore va permettre de maintenir cette qualité de l’eau potable pendant tout ce transport, jusqu'au robinet, jusqu'à la consommation finale » explique le Directeur adjoint Eau de Paris. L’eau potable serait ainsi, grâce au chlore, privée de vie et maintenue artificiellement morte ? Mais une eau morte peut-elle encore être bénéfique à la vie ? [34]


Dernière étape, des analyses en laboratoires d’échantillons d’eau afin de « vérifier si certaines bactéries ont réussi à passer entre les mailles du filet et notamment l’une des plus redoutées par nos intestins : Escherichia Coli », E. Coli de son petit nom. « Si cela devait arriver, la production d’eau n’atteindrait pas nos robinets ».


Des bactéries pathogènes ou des virus pourraient donc être résistants à tous ces traitements ? Les analyses ayant lieu en entrée de réseau, que se passe-t-il précisément dans les canalisations jusqu’au robinet final ? Quel y est donc le véritable rôle du chlore ?

Chlore politique et politique du chlore


Le chlore n’est donc pas utilisé – pour le moins en Occident – pour lutter contre les bactéries ou virus pathogènes [35] mais afin de « limiter la multiplication de microorganismes hétérotrophes (c’est-à-dire capables de se multiplier en dégradant la matière organique) saprophytes (c’est-à-dire considérés comme non dangereux, par opposition à pathogènes) », selon Jean-Claude Block.


Autrement dit, le chlore ne fait plus rien en amont mais uniquement en aval, vis-à-vis des microorganismes non pathogènes présents dans le réseau, susceptibles de générer un biofilm, de donner un goût désagréable à l’eau… et de questionner du coup le travail des régies et des pouvoirs publics.


Serions-nous ainsi dans un simple élément de paix social et de confort politique ? [36] Un mauvais goût lié à des bactéries ferait en effet mauvais genre et perturberait certainement la consommation de l’eau. [37] La découverte de bactéries dans l’eau permettrait sans doute de déclencher des procès…


Eviter les plaintes immédiates quitte à avoir des cancers plus tard ? Un responsable de la santé publique aurait admis cette stratégie étatique [38]: les cancers étant toujours multifactoriels, la responsabilité publique ne pourrait alors pas être engagée…


Quelque soit la véracité de cet aveu, le chlore n’est donc plus tant utilisé – tout du moins dans les pays riches – dans une optique de santé publique que dans un objectif de paraître vertueux, quoi qu’il en coûte. Au pays de Pasteur, « nous sommes en guerre » et il convient de buter les bactéries, bonnes ou mauvaises, jusque dans les tuyaux (des chiottes) !

Chloration de l’eau et biorésistance


Cette posture martiale sans réflexion est un échec. La vie trouve toujours un moyen et ce ne sont pas les bactéries qui manquent…


« La prolifération microbienne dans les réseaux de distribution [est] favorisée par la présence dans l’eau de carbone organique biodégradable et assimilable provenant souvent des oxydants utilisés comme désinfectants (chlore, ozone) », peut-on lire dans les Directives de qualité pour l’eau de boisson de l’OMS. [39]


« Lorsqu'ils sont utilisés pour désinfecter une eau brute, le chlore, et surtout l'ozone, provoquent, par leur action oxydante, la conversion partielle du carbone organique total en carbone organique biodégradable qui, s'il n'est pas éliminé par l'activité biologique lors du traitement (par exemple pendant la filtration lente sur sable ou sur charbon actif), peut favoriser la croissance d'organismes nuisibles lors de la distribution. » (OMS, Directives de qualité pour l’eau de boisson, 2ème édition, Volume 2, 2000, p.138)


« L’hypothèse selon laquelle les résistances aux antibiotiques seraient moindres dans le groupe utilisant de l’eau chlorée, et souffrant donc moins de diarrhée et moins souvent traité par antibiotiques, n’a pas été confirmée. Bien au contraire, l’équipe a constaté dans ce groupe plus de matériel génétique résistant aux antibiotiques. » constate le rapport d’une étude au Bangladesh. [40]


« L’exposition des bactéries au chlore se traduit par l’activation d’un système de défense. La conséquence de cette réponse cellulaire est une très grande résistance des bactéries à une exposition ultérieure au chlore et la quasi-impossibilité de tuer la cellule par des taux de traitement classiquement utilisés par l’industriel. » explique Jean-Claude Block.


« Pire, il est légitime de considérer que le maintien continu d’un oxydant en faible concentration induit plusieurs systèmes de résistance des bactéries et interdit tout espoir de prévention du biofilm dans les réseaux de distribution […] Même dans des réseaux constamment chlorés, le biofilm peut représenter jusqu’à 107 bactéries/cm2 […] prouvant l’inefficacité réelle du traitement sur ces biomasses fixées. » continue l’expert.


En quoi est-ce problématique ? « On estime qu’aujourd’hui 12 500 personnes en France et 1 million dans le monde meurent chaque année à cause de souches bactériennes qui résistent aux traitements. Des modélisation prévoient qu’ont atteindrait les 10 millions par an à l’horizon 2050 » souligne l’anthropologue Charlotte Brives, auteur du livre Face à l’antibio-résistance. [41]


Condamnés à toujours plus de chlore ?


Bref, non seulement le chlore ne serait pas si efficace que cela mais, pire, il renforcerait la résistance des micro-organismes et favoriserait la création de biofilm dans la tuyauterie.


Jean-Claude Block continue sa démonstration : « En d’autres termes le chlore appliqué en continu en réseau joue un rôle utile sur la biomasse en suspension dans l’eau, mais masque l’activité bactérienne à l’interface. Dans ces conditions l’arrêt du traitement se concrétise immédiatement par la mesure d’un nombre élevé de microorganismes viables et cultivables dans l’eau. »


Le chlore serait-il aujourd’hui surtout utilisé – en dose toujours plus importante – avant tout pour masquer la piètre efficacité du chlore ?


L’Annexe 70 du rapport enfonce le clou : « De ce fait, le principe de précaution actuel peut dans certains cas se révéler préjudiciable pour des actions d’urgence ultérieures. En effet il est aujourd’hui démontré que les microorganismes de l’environnement mettent en jeu un ensemble complexe de mécanismes de résistance au stress oxydant en général et aux produits chlorés utilisés en traitement d’eau potable en particulier. L’application de faibles doses inefficaces sur le biofilm ne fait que mettre en route ces mécanismes de défense interdisant de facto une action désinfectante ultérieure réussie. »


Et d’appeler de ses vœux une « évaluation objective des risques microbiologiques, par l’emploi de nouveaux produits, mais aussi par une utilisation différente des anciens produits traditionnels (la désinfection en mode discontinu par exemple pouvant dans certains cas éviter l’induction de phénomènes de résistance aux désinfectants). »


Bref, il serait urgent d’envisager autre chose qu’un emploi systématique et en continu du chlore !

Le chlore contre le terrorisme…


Il faudra pour cela attendre encore un peu car, entre temps, le taux de chlore a plutôt été augmenté dans le réseau d’eau dans le cadre du plan Vigipirate. [42] L’objectif est double : réduire le cas (terroriste) échéant l’activité de la toxine botulique [43] et déceler une éventuelle contamination biologique, ce qui se traduirait alors par une baisse importante de la teneur en chlore et déclencherait l’alarme.


Détail amusant et lapsus révélateur, le dioxyde de chlore est noté dans plusieurs documents officiel « bioxyde de chlore ». [44] En référence peut-être au caractère très biocide de la molécule ? Il est vrai que nous sommes dans la chimie lourde et complexe… [45]</