Une question piège (à 12:56) dans l’émission Allô Docteurs intitulée « Bien choisir son eau » (mai 2020) : "Peut-on utiliser l'eau du robinet pour les biberons ?" Question piège car question grave, qui requiert forcément de se pencher sur la qualité de l’eau et non plus le seul aspect quantitatif. Réponse précautionneuse du Professeur et précisions moins nuancée avec l'auteur du livre La qualité de l'eau (Ed. Médicis). Quelle est la meilleure eau pour les nourrissons et les biberons ? A vous de choisir votre source… d’information !
Une eau du robinet irréprochable, sauf pour les nourrissons ?
La question de la qualité de l’eau du robinet venait d’être abordée avec en exemple l’eau de Paris : une minéralité totale de 420 mg/L dont 90 mg /L. de calcium, 29 mg/L de nitrates et 0,17 mg/L de fluor.
Alors, l’eau du robinet de Paris peut-elle être utilisée pour les biberons ?
La réponse du Professeur à la faculté de pharmacie de l'Université Paris-Sud peut surprendre : « En théorie il n'y a pas de problème »
En fait, si, en théorie, il y a déjà un problème car les normes de potabilité pour les nourrissons sont assez claires et imposent en France une teneur en nitrates maximum de 10 mg/L. « Avant l'âge de 6 mois, les pédiatres recommandent d'utiliser une eau contenant moins de 15 mg de nitrates par litre. » précise également le site Doctissimo, dépassant déjà la norme...
La « maladie du bébé bleu" (ou méthémoglobinémie) est liée à la transformation des nitrates en nitrites qui vont oxyder l’hémoglobine et nuire à la bonne oxygénation du sang.
Or l’eau de Paris est à 29mg/L. de nitrates soit près de trois fois la norme légale pour les nourrissons ! Avec 90 mg/L de calcium, elle s’approche également de la limite des 100 mg/L…
L’eau de Paris ne peut ainsi pas servir pour l’eau des biberons et ne pas le signaler traduit soit une incompétence, soit une coupable rétention d’information. A moins que le professeur n’ait pas bien analysé le reportage ou répondait « en théorie » ?
Des normes pour les nourrissons variables selon les pays…
La règlementation française en vigueur "Exigences de qualité et mentions d’étiquetage relatives à l’alimentation des nourrissons" est passablement compliquée (elle ne serait pas française sinon) et comprend 42 critères. Suite aux recommandations de l’AFSSA (devenue ANSES suite à trop de scandales) du 2 décembre 2003, il a été décidé que les eaux pour les nourrissons devraient notamment respecter les limites ci-dessous :
teneur en CO2 inférieure à 250 mg/L : jamais d’eau gazeuse donc !
100 mg/L de calcium maximum (au lieu d'aucune limite)
50 mg/L de magnésium (au lieu d'aucune limite)
140 mg/L de sulfates au lieu de 250 mg/L
0,3 à 0,5 mg/L de fluor au lieu de 1,5 mg/L
10 mg/L de nitrates au lieu de 50 mg/L (40 mg/L. en Suisse)
Il est à noter que la norme de potabilité d’avant 1961 fixait, pour les adultes, une teneur minérale maximale totale – tous minéraux confondus – de 500 mg/L. Depuis, plus aucune restriction minérale n’est appliquée, sauf donc dans la réglementation pour les nourrissons (mais pas en Suisse, voir ci-dessous) et seulement de manière indirecte via la teneur en calcium et magnésium. Des sites recommandent les eaux inférieures à 500 mg/L (qu’ils qualifient à tort de « faiblement minéralisées ») mais la réglementation ne reprend pas le chiffre (trop élevé à notre goût) et insiste plutôt – et à raison – sur des minéraux spécifiques problématiques.
Il est très curieux par contre qu’aucune limite ne soit imposée vis-à-vis du sodium (au contraire de la Suisse, voir toujours ci-dessous), qui reste à 200 mg/L comme pour les adultes, alors que les eaux de surface en contiennent rarement plus de 20 mg/L. Serait-ce par hasard pour ne pas nuire au très lucratif business des catastrophiques adoucisseurs ?
La règlementation Suisse se penche par contre sur le sel avec une limite maximale de sodium à 20 mg/L, ce qui exclut donc d’office les adoucisseurs. Patrie du leader mondial des embouteilleurs, la Suisse ne fixe par contre pas de limites de minéralités pour le calcium ou magnésium, augmente celle des sulfates à 240 mg/L. et celle du fluor à 0,7 mg/L...
Bref, deux réglementations assez différentes qu’il serait de bon ton d’harmoniser en suivant les recommandations les plus restrictives.
Le principe de précaution pour les nourrissons…
Le Professeur nuance toutefois ensuite sa « théorie » : « Après la difficulté ça vient un peu des réseaux intérieurs. Si la famille habite par exemple dans un immeuble avec des vieilles canalisations en plomb »
L’eau du réseau étant forcément – par dogmatisme – irréprochable, le problème ne peut en effet venir que des vieilles canalisations… Le plomb, responsable du saturnisme chez les nourrissons, est clairement à éviter mais toutes les ventes immobilières doivent présenter un diagnostic du plomb – curieusement sans jamais descendre à la cave pour vérifier les canalisations – et les citoyens sont donc normalement sensibilisés à cette question.
« Finalement par précaution vaut peut-être mieux pendant les 3-4 premiers mois prendre une eau de source en bouteille, pas minéralisée parce qu'il y a déjà les minéraux dans le lait en poudre donc c'est pas la peine d'en rajouter et ça sera une précaution. »
Deux fois le mot « précaution » dans la phrase et un « peut-être ». Le Professeur s’entoure de toute évidence d'infinies précautions afin de ne pas critiquer les minéraux des eaux… Saluons tout de même l’exploit de réussir à placer l’eau de source « pas minéralisée » tout en ventant les minéraux du lait en poudre…
Il serait de fait intéressant de se pencher sur le niveau d’assimilation des minéraux dans les laits infantiles, le pourcentage d’assimilation du calcium du lait (de vache) étant globalement assez faible, de l’ordre de 25% maximum, comme pour le calcium inorganique des eaux, le reste – de l’ordre donc de 75% – devant être éliminé via un surtravail des reins.
Or les nourrissons n’ont pas de reins encore suffisamment puissants pour éliminer trop de calcium ou magnésium, responsables des calculs rénaux… D’où les normes minérales pour les nourrissons et la supériorité de l’eau de source faiblement minéralisée, « par précaution »…
Alors, l’eau du robinet est-elle recommandée pour les nourrissons ?
La réponse officielle de la Science ou de la Médecine (en tout cas de l’expert de l'émission Allô Docteurs) est théoriquement affirmative sauf si l’on exerce le principe de précaution. Alors, en pratique (mais durant les 3-4 premiers mois seulement), mieux vaut de l’eau de source faiblement minéralisée…
« Il est tentant de donner à son enfant de l'eau du robinet moins chère que l'eau en bouteille. Mais, avant 6 mois, elle n'est pas recommandée. » précise quant à lui le site Doctissimo. C’est déjà mieux que les 3-4 mois du Professeur mais est-ce à dire que l’eau du robinet deviendrait recommandable après 6 mois ? En puériculture, le terme de nourrisson court jusqu’à l’âge de deux ans voire 30 mois…
Notre réponse qualitative est nettement moins ambivalente. Le lait maternel est de loin le meilleur aliment pour un nourrisson mais si l’on doit recourir à du lait en poudre, on évitera évidemment l’eau du robinet polluée et chlorée.
Il est facile de se pencher sur la composition de son eau et on peut toujours demander la dernière analyse à la Mairie de sa commune mais, même si l’eau du réseau est dans les clous vis-à-vis de la norme pour les nourrissons (teneur maximale en calcium, magnésium, sulfates, fluor, etc.), cette qualité d’eau « potable » n’est déjà pas recommandable pour les adultes et elle ne peut donc pas l’être pour les plus fragiles nourrissons !
Quelles sont les meilleures eaux pour les biberons des nourrissons ?
Seules les marques respectant les normes plus restrictives peuvent arborer la mention "convient pour la préparation des aliments pour nourrissons" mais toutes ces eaux ne se valent évidemment pas…
La meilleure eau pour les bébés sera une eau la plus propre possible (sans chlore, résidus de médicaments ou pesticides), la moins chargée en nitrates et la moins fortement minéralisée (minéralité totale inférieure à 50 mg/L.).
Les laits infantiles – dérivés des laits de vache – sont davantage chargés en minéraux que le lait maternel et il convient donc de ne surtout pas en rajouter encore via les eaux minérales, au risque sinon d’entraîner une charge osmotique rénale trop importante pour les reins immatures des nourrissons.
Les meilleures eaux pour les nourrissons sont ainsi celles des magasins bio : Mont Calm, Mont Roucous, Rosée de la Reine ou Lauretana, la moins chargée d’Europe avec 14mg/L seulement de minéraux. Ces eaux sont toujours légèrement acides et ont un faible taux de nitrates avec une préférence pour la MontCalm avec 0,7 mg/L de nitrates seulement.
La Volvic avec 130mg/L de minéralité totale sera la meilleure marque d’eau pour les nourrissons distribuée dans le gros commerce… même si un peu plus chargée en nitrates (7,3 mg/L.). Il est possible également d’y trouver d’excellentes eaux de sources locales mais la lecture de l’étiquette sera obligatoire avec trois critères qualitatifs de base :
une faible minéralité (résidus à sec), toujours inférieure à 200 mg/L., idéalement moins de 50 mg/L.
une faible teneur en nitrates, idéalement inférieure à 3mg/L.
une légère acidité, l’alcalinité étant le signe d’une piètre qualité énergétique.
Que penser du coup d’Evian, « l’eau minérale naturelle idéale pour l’hydratation et le biberon de bébé » selon le marketing officiel ? Sa composition révèle une eau dans les clous de la réglementation pour les nourrissons mais néanmoins plutôt médiocre : 345 mg/L de minéralité totale dont 80 mg/L de calcium, 3,8 mg/L de nitrate et un pH de 7,2. Voir le comparatif des eaux minérales.
Dépasser les eaux en bouteille grâce à la filtration ?
Nous ne saurions toutefois recommander les bouteilles plastiques alors qu’il est possible d’obtenir une excellente eau pour nourrissons à partir de l’eau du robinet via un osmoseur. L’osmose inverse est parfois décriée par les écologistes incompétents ou les pro-minéraux mais c’est le système le plus fiable pour correctement filtrer la majorité des polluants… dont les minéraux inorganiques des eaux. On obtiendra une eau très propre avec un taux de minéralité généralement compris entre 5 et 20mg/L, inférieur donc à la quasi-totalité des eaux en bouteille !
« Il est vivement déconseillé d'utiliser pour le biberon de bébé une eau du robinet ayant subi une filtration, que ce soit par cartouche ou par une carafe filtrante. La charge microbienne risque en effet d'être plus importante et dangereuse pour notre nouveau-né. Ce risque concerne aussi les eaux qui ont subi un adoucissement. » met en garde le site parents.fr, juste avant une publicité pour Evian…
La plupart des filtres sont en effet trop bas de gamme pour être recommandables pour le nourrisson (les filtres à granules sont clairement à éviter) et les réservoirs à température ambiante sont susceptibles de développer les bactéries. Quant à l'eau adoucie via les catastrophiques adoucisseurs à sodium, elle n'est recommandée pour personne !
L’osmose inverse ne présente pas ses travers pour autant que les cartouches de pré-filtration soient bien changées selon les prescriptions du fabricant et au minimum une fois par an. Un stylet de mesure TDS permet quant à lui de régulièrement contrôler le bon état de la membrane et donc la qualité de la filtration. Reste le réservoir (il existe des osmoseurs sans réservoir), idéalement sous dynamisation constante ou avec ponctuellement des flashs d’UV afin de prévenir le développement des bactéries.
Alors on obtiendra une eau très propre et très faiblement minéralisée, idéale pour les biberons des bébés ou nourrissons… pour autant évidemment que l’on ne gâche pas tout en le faisant chauffer au micro-ondes !
Autre question via l'émission Allô Docteurs ?
Pour en savoir plus sur la qualité de l'eau pour les nourrissons et comment faciliter l'hydratation des enfants :
Les 3 problématiques et solutions Eau : www.solutionsbio.ch/eau Vidéo Conférence-Tutoriel : La vraie qualité de l’eau (21’58) Le portail de référence sur l’eau : www.lemieuxetre.ch/eau Les Fiches pdf : Comparatif des eaux minérales / Comparatif des solutions Eau Mon livre La qualité de l’eau (Ed. Médicis, 2020) Me contacter pour une analyse gratuite et experte de votre situation : +41 (0)76 532 8838 (rappel possible), sms ou mail
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