Passer de la CONsommation à la consomm’ACTION est avant tout un exercice d’hygiène mental : dépasser les manipulations et retrouver sa liberté de choix. La tyrannie du « toujours plus » enchaîne tandis que la simplicité volontaire libère. Pour autant que l’on n’y soit pas obligé, arriver à moins ou à mieux consommer est un exercice très jubilatoire, la manifestation – face à la violence du système – d’une réelle force de volonté. Avoir moins offre mécaniquement l’opportunité d’être plus. Prendre moins offre naturellement l’occasion de davantage recevoir. Mais ne pas acheter, c'est aussi envoyer un bulletin de vote, c'est dire clairement NON au Système.
La consomm'action et l'heureux consommacteur...
Dans notre société marchande, consommer, comme se nourrir ou respirer, est considéré comme un besoin naturel et une source d’épanouissement. Pour preuve, le lien supposé entre la consommation et le moral des ménages : si je suis heureux, je vais logiquement consommer davantage…
Logiquement ? N’est-ce pas lorsque les températures chutent que la consommation d’énergie augmente ? N’est-ce pas lorsque nous avons faim que nous mangeons le plus ? La règle économique se trouve contredite par la loi naturelle : le vide appelle le plein; c’est lorsque quelque chose nous manque que nous essayons de compenser. Au contraire, pourquoi changer si je me sens bien ? Pourquoi consommer si j’ai déjà l’essentiel ?
Qu’on se le dise : le système n’a aucun intérêt au bien-être des individus car le malheur est un fond de commerce autrement plus rentable ! La pauvreté nous pousse à idéaliser l’argent, le cholestérol à multiplier les régimes, les rides à fantasmer sur les cosmétiques, la peur à nous faire vacciner, la maladie à abuser des pilules, les complexes à faire appel au coach, le besoin d’intégration à suivre la mode, le mal-être à acheter un livre sur le bien-être…
« Cette addiction [la fièvre acheteuse] est fréquemment liée à une sorte de dépression, un état de tristesse profond. […] Par l’achat, on compense pour échapper à un quotidien morose. Les acquéreurs compulsifs sont des gens qui ont besoin d’acheter l’illusion d’une autre vie », confirme Michel Lejoyeux, spécialiste de l’addiction et professeur de psychiatrie à la faculté de Médecine Paris-VII.
« Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas » disait Coluche. « Quand on pense qu’il suffirait de ne pas CONsommer pour que le système s’écroule » dirait un consomm’ACTEUR.
Réorienter notre consommation vers les petits commerces et les produits essentiels et vertueux (ce qui revient à refuser la chimie et la malbouffe), ne pas tomber malade (et donc cesser de financer Big Pharma), vendre toutes nos actions des multinationales prédatrices (et préférer la vie à la Bourse), viser la qualité et non la quantité (et donc ne plus suivre la publicité) ou boycotter un type de produit emblématique comme par exemple les bouteilles en plastique sont autant d’approches d’écologie personnelle qui nous permettrons de mieux ÊTRE, de préserver notre pouvoir d’achat et de choix et, surtout, de dire NON au système.
Le consommacteur et le sens des priorités…
L’accumulation de biens encrasse notre environnement tout comme l’accumulation d’aliments encrasse notre organisme. Au début, à jeun, il convient naturellement de se nourrir : un confort minimum est nécessaire. Mais ensuite, une fois rassasié, il faut savoir s’arrêter et digérer.
Cette digestion sera d’ordre mentale : la satisfaction et la jouissance de mes achats. Trop souvent toutefois, comme un enfant gâté avec ses jouets, l’appréciation ne dure qu’un bref instant. C’est le syndrome du kleenex® : prendre, utiliser et jeter ! Ce n’est plus Aaaatchoum ! mais Aaaaachetons ! Mais le mouchoir ne guérit pas plus du rhume que la consommation du mal-être : il ne s’agit que d’un bref soulagement avant le prochain éternuement… et les biens, à force de s’accumuler, se transforment vite en maux qui nous empêchent de respirer.
« Qui accumule des richesses a beaucoup à perdre » (Lao Zi) « Celui qui ne sait pas se contenter de peu sera content de rien » (Epicure) « Quand on n'a besoin que de peu de chose, un rien suffit, et quand un rien suffit on n'a pas besoin de grand-chose. » (Pierre Dac)
Il y aura toujours un autre gadget pour remplacer le dernier gadget et les publicités pour rendre indispensable ce dont nous n’avons nul besoin. Les gadgets inutiles, se sont un peu les sucreries de la consommation : la satisfaction est immédiate mais le plaisir se diffuse trop rapidement et l’effet retombe tout aussi vite. Cette hypoglycémie de la consommation entraîne insatisfaction et fatigue mentale. L’esprit, tout comme l’organisme, a besoin de sucres lents…
Pour que nos achats ne nous consument pas, il convient de leur donner du sens. Le superflu est sans doute parfois nécessaire mais il n’aura jamais la force et la beauté d’un refus réfléchi et assumé. « Penser, c’est dire non » a dit le philosophe Alain. Si la simplicité peut être considérée comme un art, elle est avant tout un choix : le choix d’une vie où la qualité prime sur la quantité, où les objets sont mis en valeur par le vide, où le pouvoir d’achat se transforme en pouvoir de choix et de vote.
Favoriser le développement… des autres !
Les ressources de la planète étant finies, la logique des vases communicants est implacable : pour que les autres aient une chance de se développer, je dois moi-même réduire mes nombreux gaspillages et passer à la simplicité volontaire ou au contentement.
« Vivre plus simplement pour que d’autres puissent tout simplement vivre… » (Gandhi)
Notre système des indulgences doit cesser : prendre l’avion pour un oui ou pour un nom puis reverser ses émissions de CO2 à une association pour se donner bonne conscience n’a aucun sens puisque la pollution a eu lieu. « Glisser un petit paquet de café équitable sur le sommet de son caddie® débordant de produits inéquitables – parfois même fabriquées par des enfants dans les sous-sols du Tiers-Monde » est selon Christian Jacquiau tout aussi symbolique. En matière de générosité, ce ne sont pas les intentions mais les actes qui comptent et la meilleure manière de moins polluer est encore de moins ou de mieux consommer !
« Donne un poisson à quelqu’un et il mangera un jour à sa faim. Apprends lui à pécher et il n’aura plus jamais faim » dit un dicton chinois mais le mieux serait encore de le laisser pécher en paix et avec ses propres techniques, afin qu’un maximum de pécheurs et leurs familles puissent continuer à vivre de leur travail. Apprendre à quelques privilégiés la pêche industrielle au prétexte du progrès ou piller leur lac au nom du libre échange (Voir le film Le cauchemar de Darwin d’Hubert Sauper ), voilà bien la cause du sous-développement et des disparités économiques !
Le problème ne date pas d’hier : dès 1964, des pays du Sud avaient lancé le slogan « Trade not Aid ! » (« du commerce, pas des aides ! ») lors de la première Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced). « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine […] » écrivaient les rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948.
Au cœur de toutes les injustices, donc, notre système néolibéral et son paradigme de la croissance à tout prix. Donner de l’argent est une chose mais la remise en cause de la prédation de la planète et de l’exploitation des plus démunis constituerait, à n’en pas douter, le plus grand acte de générosité. Il exigera en effet de notre part la mise en œuvre de la simplicité et la conscience que nous sommes frères et avons tous le droit, non pas de multiplier nos chaînes de télévision mais d’avoir accès à un air, une nourriture et une eau de qualité.
Comment faire ? A défaut de pouvoir facilement porter au pouvoir des hommes et des femmes politiques indépendants des lobbies et des conflits d’intérêt, c’est à nous, puissants consommacteurs, de voter au quotidien, via notre pouvoir de choix, en faveur d’un système plus humain : boycotter les entreprises prédatrices, se soigner au naturel, passer à l'aliment'action, privilégier la qualité sur la quantité et les petits commerçants aux grosses surfaces,… Les moyens ne manquent pas et vous ne manquerez pas de moyens : la simplicité volontaire, en même temps qu’elle libère, permet toujours de réaliser de substantielles économies !
Les 5 tamis de la consomm’action :
Très souvent, la consommation est un acte « réactif », presque « sexuel ». Il met en effet en branle le cerveau limbique, lieu des automatismes et des croyances, et le cerveau reptilien, siège des instincts physiologiques et des émotions : je voie le produit et je l’achète parce que tout le système, de la publicité au désir d’appartenance, me pousse à l’achat, tandis que mon organisme m’envoie les signaux du manque. J’en ai envie, j’en ai besoin, il me le faut !
Autre étude : grâce à des images IRM, des chercheurs de l’université de Stanford ont découvert que la décision d’achat était conditionnée par deux zones du cerveau. L’une correspondrait au plaisir d’acquérir, l’autre à la douleur d’avoir à payer. Or cette dernière serait peu sensible au paiement par carte de crédit, raison pour laquelle le système vise insidieusement à supprimer l’argent liquide.
« Quand les trois cerveaux sont en harmonie, quand chacun fait son travail, la conscience est en éveil, c’est ce que je propose ici d’appeler le bonheur » précise Christian Boiron dans son livre La source du bonheur est dans notre cerveau. Le troisième cerveau ? Il s’agit du néocortex préfrontal, siège de l’intelligence et du raisonnement. Dans la consommation, nous avons parfois tendance à l’oublier…
Pour vous aider à réguler vos émotions et votre « taux de cholestérol », nous vous proposons, avant tout achat d’importance (et non après : ce qui est fait est fait !), de soumettre votre motivation aux cinq tamis suivants : manipulation, utilité, éthique, écologisme et financier.
1. Le consommacteur et le tamis de la manipulation :
D’où vient mon idée d’achat : de moi ou d’une publicité que j’ai vue, lue ou entendue ? Ai-je obéi à un effet de mode ou à la pression de mon entourage ? S’est-on moqué de moi parce que je n’avais pas ce produit ? La photo ou la mise en scène de ce produit correspondent-ils vraiment à la réalité ? Suis-je placé en mode « achat » par les circonstances : fêtes, anniversaires, soldes ? Le packaging cache-t-il la forêt ? Ce nouveau produit est-il vraiment si nouveau que cela ou bien simplement mieux relooké et plus cher ?
C’est le rôle de la publicité que de transformer le crapaud en prince charmant : un produit banal devient une innovation extraordinaire et extrêmement sexy qu’il me faut absolument acquérir sous peine de passer pour un ringard coincé du portefeuille.
Dans une enquête publiée fin 2006, le BVP (Bureau de Vérification Publicitaire) jugeait 4 pubs sur 10 de nature trompeuse et susceptible d’induire le consommateur en erreur. Serait-ce la raison pour laquelle le nombre de « publiphobes » dépasserait désormais celui des « publiphiles » ou que 50% des français estimaient en 2006 que la publicité était dangereuse ? Et l’Alliance pour la planète de s’interroger : « Que fait le BVP ? », rappelant au passage que ce « Bureau » est une association loi 1901 regroupant… des publicitaires !
Peut-on attendre quoi que ce soit d’une profession dont l’objectif est de « toucher le temps de cerveau disponible » afin de vendre toujours plus de produits ? Si le produit était vraiment bon, aurait-il besoin du matraquage publicitaire ? Que la publicité fasse ou non rêver et qu’elle soit plus ou moins créative, sa fonction première reste la manipulation de nos neurones de manière à obtenir une réaction d’achat. Perdu devant les 40 000 à 130 000 références d’un hypermarché, que vais-je être incité à choisir en effet sinon le produit « vu à la TV » ? Trop de choix tue le choix !
2. Le consommacteur et le tamis de l’utilité :
Ai-je vraiment besoin de ce produit ? Que vais-je gagner en achetant ce produit ? Que vais-je perdre en ne l’achetant pas ? L’achat de ce produit va-t-il être entièrement et uniquement bénéfique ? A l’échelle de ma vie, quand sera-t-il utile ? Quand ne servira-t-il à rien ?
La notion d’utilité relève souvent de la plus grande subjectivité. Selon le dictionnaire, utile, adjectif du « latin utilis ; de uti, se servir de » est ce qui « rend service » Seul l’utilisateur final est donc capable de juger de l’utilité ou non d’un produit. Et si tout est utile ou susceptible de l’être, il conviendrait d’analyser la continuité ou la fréquence de cette utilité : un produit n’est utile que lorsque l’on s’en sert !
Nous pourrions aussi pousser la notion d’utilité un peu plus loin en nous demandant, face à un objet, s’il a été ou sera utile à d’autres, à l’humanité en général ou à l’environnement. La perception de l’utilité d’un article sera-t-elle la même si nous apprenons qu’il a été fabriqué par des enfants dans une usine polluante ?
S’interroger sur l’utilité d’un produit devrait enfin nous conduire à analyser le « revers de la médaille ». Qu’allons-nous devoir payer, au-delà du prix de l’article, pour pouvoir jouir de l’utilité de ce produit ? A quels défauts ou problèmes vais-je être confronté avec le produit ?
Exemple significatif avec la voiture. Problèmes de parking, coût d’entretien, embouteillages, pollutions diverses, obligation de mettre régulièrement de l’essence, code de la route, vols, accidents, givre… L’achat d’une voiture entraîne ou peut entraîner une multitude de contraintes. Il conviendrait d’en avoir conscience. Les Européens prennent leur voiture une fois sur deux pour des trajets inférieurs à 3 km. Or, il a été calculé qu’en ville, le vélo était plus rapide sur des distances de moins de 7 kilomètres. Avec une moyenne à Paris de 14km/h, la voiture serait en fait l’un des moyens de locomotion les plus lents… Entre le parking et les embouteillages, elle restera d’ailleurs 95% du temps à l’arrêt.
La voiture est souvent considérée comme un symbole de liberté. Mais liberté de quoi au juste ? De s’attacher au volant ? De suivre la route ? De respecter le code de la route ? D’être bloqué dans les embouteillages ? De chercher une place de parking ? De faire ses courses dans l’hypermarché de la périphérie ?
La voiture est certainement utile à l’occasion et son absence obligera à quelques aménagements. Toutes les communes n’ont pas non plus mis en place un réseau de transport en commun performant jusqu’au tréfonds de leurs campagnes et il n’est pas toujours possible de respecter les horaires. Mais de nombreuses circonstances, quoi qu’en pense le système, permettent néanmoins de se passer de voiture !
3. Le consommacteur et le tamis de l’éthique :
Le produit est-il vertueux ? A-t-il été fabriqué dans de bonnes conditions d’hygiène, de sécurité et de salaire ? A-t-il été produit par des enfants ? Respecte-t-il le copyright et la propriété intellectuelle ? Est-il respectueux des normes de sécurité ? Son but est-il bon ? Est-il distribué par une société tournée vers le fric ou les hommes ?
Dans le monde, 160 millions d’enfants de 5 à 14 ans sont toujours forcés de travailler. C’est bien triste ? Oui et notre responsabilité est engagée : des millions d’enfants sont exploités dans des secteurs d’exportation contrôlés par des multinationales occidentales. Quant à l'exploitation des ouïghours, cela justifierait de boycotter tous les produits made in China !
Aux prix où nous payons certains produits, nous devons bien imaginer en effet que les fabricants étrangers ne sont pas soumis à nos minima sociaux. Les sociétés occidentales (notamment les hypermarchés) sont les premières à pressurer leurs fournisseurs étrangers pour obtenir des prix de revient toujours plus bas, souvent au mépris des normes locales, déjà assez limitées…
Le contrastes, du coup, est saisissant: d’un côté, la joie de nos enfants lorsqu’ils reçoivent leurs cadeaux (ils risquent de pleurer plus tard lorsque le jouet cassera par défaut de qualité) et, de l’autre côté, à des milliers de kilomètres, la peine et le labeur des enfants du tiers-monde qui fabriquent ces mêmes jouets… D’un côté de la planète, des enfants esclaves produisent. De l’autre, des enfants rois consomment. Le système, décidément, a tout prévu !
Ne soyons pas naïfs : au regard de leurs marges et de leurs bénéfices, certaines sociétés à logo pourraient très bien améliorer les conditions de travail de leurs ouvriers lointains ou même ne pas délocaliser du tout. A nous, consommateurs, de les inciter à jouer le jeu de l’éthique, en les boycottant ou en privilégiant les entreprises locales.
Ne soyons pas chauvins: ce qui se passe à l’étranger se passe aussi parfois chez nous, avec notamment le recours par de grands groupes à des « sous-traitants négriers ». Quelles sont vraiment les conditions de travail de tous les clandestins ? « Disponibles, peu coûteux et dans l’incapacité de réclamer leurs droits, ils sont des salariés "très avantageux" pour leurs employeurs » note François Brun, chercheur au Centre d’étude de l’emploi.
4. Le consommacteur et le tamis de l’écologisme :
Le produit ou l’utilisation du produit est-il sans danger pour l’environnement ? Le coût écologique est-il acceptable ? S’agit-il d’un produit recyclable ? Existe-t-il des produits plus écologiques ? A-t-il été produit dans une logique de qualité ou de rendement ? Vient-il de ma région et est-il de saison ? Est-il sur-emballé ?
Il y a quelques années, un appel au boycott du thon fut lancé aux Etats-Unis. Des dauphins avaient en effet été remontés dans les filets des pêcheurs. Scandale dans les chaumières : la pêche industrielle tuait les dauphins ! Accessoirement, la pêche au thon décimait aussi les thons : 75% des réserves de poissons sont épuisées ou en voie de l’être et certains l’estiment même à 90% pour les gros poissons comme l'espadon, le marlin, la morue ou… le thon. Les dauphins, eux, se portent bien, merci pour eux !
Soyons logique : à quoi bon acheter un produit recyclable si, après le passage en caisse, je l’emballe dans un sac en plastique qui finit à la poubelle ? Quel intérêt d’acheter un produit Bio s’il est sur-emballé ? Les 100 milliards d’emballages ménagers utilisés tous les ans en France génèrent 4,7 millions de tonnes de déchets…
Soyons raisonnables et patients : un kilo de fraises acheté en hiver exige 5 litres de carburant pour son transport pour un produit au rapport qualité-goût désastreux ! A quand un étiquetage inscrivant, en plus des calories des aliments, les calories utilisées pour les produire, les transformer, les conditionner et les transporter ? Cette énergie « cachée » correspondrait en effet à environ un cinquième de toute l’énergie dépensée dans les pays riches. Les produits non bio requièrent quantité d’engrais minéraux et de pesticides que l’on retrouvera ensuite dans les nappes phréatiques. Les aliments hors saison ou produits hors sol sont également bien plus énergivore. Quant à la viande, il faut sept protéines végétales pour produire une seule protéine animale et l’élevage du bœuf demande deux fois plus d’énergie que celui du poulet. Mais la palme du gaspillage revient aux crevettes décortiquées : un kilo de cette denrée cacherait dix fois plus d’énergie grise qu’un kilo de ragoût d’agneau du pays !
Soyons économes : privilégions les appareils peu consommateurs d’énergie, équipons nos toilettes d’une chasse d’eau sélective (plus d’un quart de notre consommation d’eau finit dans les toilettes !), coupons les fonctions veilles de nos appareil (au moins 2% de la consommation mondiale d’électricité), remplissons complètement nos machines à laver, redécouvrons le chauffage au pull, préférons les douches aux bains, faisons nos courses chez le commerçant du coin avec nos propres sacs, utilisons les dos des feuilles de papier en brouillon, accolons un autocollant « Pas de pub, merci ! » sur notre boite aux lettres, prenons notre vélo pour les courts trajets, etc. Non seulement nous préserverons la nature mais ferons des économies !
La pollution, ce n’est pas un gros problème, c’est six milliards de petits problèmes ! (Hubert Reeves)
Le recyclage rentre timidement dans les mœurs pour le papier, le verre, le plastique mais 50% de nos déchets atterrissent encore dans des décharges (ou ailleurs : 6 millions d’objets sont rejetés chaque jour dans la Méditerranée, dont 60% en plastique) contre 15% en Suisse. Malgré l’interdiction, deux piles sur trois finissent toujours à la poubelle ! Avant d’acheter et de jeter, interrogeons-nous donc toujours sur la possible réutilisation de nos produits : pourrons-nous les réparer, les donner à quelqu’un ou les recycler efficacement ? Cela demandera un peu d’effort mais cela nous replacera dans le cercle de la nature…
5. Le consommacteur et le tamis financier :
Ai-je de quoi me payer ce produit ? Ai-je de quoi utiliser ce produit ? Cela vaut-il le coup d’avoir autant travaillé pour ce produit ? Est-il intelligent de m’endetter pour ce produit ? Ma famille va-t-elle approuver ma dépense pour ce produit ? D’un autre côté, ce produit est-il assez cher ? L’étiquette est-elle vraiment représentative de son coût ?
Vous (et non la société) avez envie de ce produit. Il vous sera utile, n’a pas été fabriqué par un enfant et n’a fait de mal à aucun dauphin. Son achat peut donc se concevoir. Mais encore faut-il que vous en ayez les moyens. La question n’est pas anodine puisque nous pouvons de nos jours presque tout acheter à crédit : « Achetez maintenant, prenez vos responsabilités plus tard ! Ça ira mieux demain. Carpe diem ! ». Le crédit à la consommation est une mauvaise stratégie de consommacteur : je ne travaille plus pour mon présent ou mon futur mais pour financer mon passé ; je traîne jusqu’à aujourd’hui le poids de mes achats antérieurs…
Pourquoi ce tamis n’est-il pas le premier ? Simplement pour ne pas donner trop d’importance à l’argent : mieux vaut abandonner un projet d’achat sur une question éthique que sur une question bassement financière ! De plus, certaines personnes ont la chance (ou la malchance, qui sait ?) de pouvoir presque tout s’offrir et il convient de leur proposer d’autres critères de sélection. Le réflexe « j’ai de quoi, donc j’achète » est révélateur d’un conditionnement de CONsommateur. L’argent est certes fait pour être dépensé mais encore faut-il, pour se sentir bien, que cela ait du sens !
Donner du sens à sa consommation supposera donc aussi de s’interroger sur la valeur des produits et réseaux de distribution. Car si un faible pouvoir d’achat limite a priori nos choix – pour la plus grande joie du système – il n’y a aucune raison de tomber dans le panneau (publicitaire) : les premiers prix distribués en hypers et autres hard discounts, aussi attractifs soient-ils, restent extrêmement coûteux pour l’homme. « La frénésie des prix les plus bas est contre-productive et a un effet désastreux sur l’emploi » reconnaissait ainsi Joël Fabiani, le patron des ressources humaines d’Auchan France en 2007.
En attendant que les étiquettes reflètent la valeur réelle des produits en y incluant les variables de la pollution, du chômage et des pathologies potentielles diverses, changer de lieu d’achat est la méthode la plus simple et la plus rapide pour devenir consomm’acteur…
Car il convient d’être réaliste : le respect des cinq tamis ne sera pas chose aisée au quotidien. D’abord parce que nous n’avons pas que cela à faire : je n’ai pas le temps de me lancer dans une réflexion métaphysique devant chaque produit ! Ensuite parce que nous ne sommes généralement pas masochistes : « Au diable la mauvaise conscience ; qu’on me laisse consommer en paix ! »
Heureusement, il existe des lieux où la réflexion des 5 tamis a déjà été faite en amont, où je peux acheter les yeux presque fermés, où la consomm’action n’est plus synonyme de prise de tête. Quel est ce paradis du consommacteur ? Le magasin bio bien sûr ! Mais avant de nous y rendre, restons pour un instant encore dans l’absurdité du système, avec un cas concret.
Exemple de CONsommation : le café en aluminium
Illustrons cette approche des tamis de la consomm’action à partir de la plus belle manipulation marketing de ces dernières années, j’ai nommé la capsule en aluminium Nxx® ! En quelques années, la multinationale Nxx et son budget publicitaire illimité ont réussi à persuader George Clooney et toutes les ménagères de moins de 50 ans que son café représentait le summum de la gastronomie et du bon goût. Pourtant, poussez la porte de n’importe quel torréfacteur de quartier et il vous procurera un café bien plus satisfaisant (sans amertume) et de vrais grands crus d’arabica pour un coût modique, très loin des 80 euros le kilo des dosettes… Evidemment, ce café n’aura pas d’emballage hi-tech, pas de mousse, pas besoin de sucre et devra être préparé (un comble !) dans une cafetière à pression manuelle même pas électrique… Difficile de frimer avec devant ses amis, qui de toute façon ne connaissent généralement rien non plus au café de qualité… Les meilleurs crus de café ont une légère acidité mais pas d’amertume et se dégustent donc sans aucun sucre. Eh oui, nous sommes tous ignorants avant de savoir quelque chose !
What else ? Notre naïveté pourrait ne prêter qu’à sourire mais il se trouve que notre consommation effrénée en mode automatique (je vois la pub, j’y crois, j’achète !) a souvent des conséquences désastreuses. Dans ce cas précis, rappelons que le cours du café a été maintenu au plus bas durant des années, obligeant souvent les petits producteurs à vendre leur production à perte… Cela, la publicité se cachait bien de le rappeler : une dégustation de café sur fond de misère humaine et de travail d’enfants aurait laissé un goût (encore plus) amer !
What else ? Eh bien peut-être l’impact écologique de l’aluminium des dosettes ? La multinationale se vante d’avoir mis en place 800 lieux de collectes en Suisse et parade désormais dans des conférences sur l’économie circulaire mais pourquoi ne pas avoir développé dès le départ des dosettes biodégradables plutôt que (difficilement) recyclables ? En verrouillant ses brevets tout azimut, elle a également fait en sorte d’empêcher toute innovation dans ce domaine. Jusqu’à dernièrement puisqu’une faille dans les brevets a été trouvée, permettant à un ancien directeur de lancer un produit concurrent compatible via une société baptisée Ethical Coffee Company. Tout un programme !
What else ? Eh bien le principal : Nxx a rendu ses clients captifs de son système, empêchant l’utilisation des coûteuses cafetières avec d’autres cafés que les siens. Le principe de monopole des OGM ou des lames de rasoirs appliqué au café… le « Club » en plus afin de mieux ficher ses consommateurs ! L’idée même des dosettes individuelles est critiquable : alors que le café était habituellement un moment de partage convivial, nous voilà rendus à appuyer sur un bouton pour avoir autant de cafés différents que de convives (jusqu’à 16 !) – « Alors, vous préférez le rouge, le vert, le jaune ou le violet. Moi, c’est le violet que je préfère ! » Bienvenue au degré zéro de l’art du café et de la dégustation…
Récapitulons : la société Nxx vend bien trop cher (tamis financier) un café médiocre (tamis utilité) dans une capsule en aluminium (tamis écologisme) à coup de matraquage publicitaire (tamis manipulation) et tout en ne permettant pas à ses fournisseurs de vivre décemment de leur production (tamis éthique). Alors, what else ? – Anything else, of course !
La consomm'action et le bon sens bio…
Et si nous laissions à d’autres le soin de tamiser les produits ? Et s’il existait un endroit où la quasi-totalité des produits répondait aux critères de liberté, d’utilité, d’éthique et d’écologisme en plus d’être sains et complets? Ce paradis du consomm’acteur, c’est tout simplement le magasin bio !
Cela revient trop cher ? Cette croyance entretenue par le système a effectivement la vie dure et c’est vrai que, produit par produit, il existe une différence de l’ordre de 10 à 50%. Pourtant, globalement, le consommacteur s’y retrouve largement. Voici pourquoi :
- Il y a nettement moins de « tentations » dans les magasins bio et les caddies se trouvent automatiquement allégés ! Exit notamment toutes les sucreries et les gadgets du marketing qui pèsent lourdement sur le budget.
- Les magasins bio proposent un assortiment réduit de viandes et de fromages, ce qui incite à en consommer moins souvent. Economies substantielles et artères moins encrassées à la clé !
- Les magasins bio proposent souvent des solutions innovantes et économiques : remplacer sa lessive chimique par des noix de lavages permettra par exemple d’économiser des dizaines d’euros à l’année, tout en préservant l’environnement. Remplacer ses produits cosmétiques (souvent nocives pour la peau) par des huiles végétales idem. Veiller à la qualité de son eau itou.
- Les magasins bio proposent peu de plats cuisinés, articles parmi les plus coûteux des grandes surfaces : faire sa cuisine soi-même a toujours été une manière d’économiser et de redécouvrir le plaisir des vrais aliments…
- Les produits sont de bien meilleure qualité nutritionnelle et remplissent mieux le ventre. Il en faut donc moins à sentiment de satiété équivalent. Faites donc l’expérience avec un biscuit du grand commerce et un biscuit complet bio…
- Le rapport qualité/prix est à l’avantage des magasins bio. En effet, une bonne proportion du coût des grandes marques sert à payer les frais de marketing et de publicité. Dans le bio, le coût est essentiellement celui des matières premières !
- Les produits bio sont meilleurs pour la santé et il est de notoriété que celle-ci n’a pas de prix !
- Les magasins bio ont une taille plus restreinte : on va à l’essentiel et on perd moins de temps. Or, le temps, serait aussi, paraît-il, de l’argent !
- Les magasins bio distribuent gratuitement des magazines fort intéressants qui aident à mieux consommer et à mieux vivre.
- Les magasins bio sont plus respectueux des hommes et de l’environnement et cela, vous en conviendrez, vaut largement tous les autres arguments !
Il est possible de venir progressivement au bio mais c’est en sautant le pas que l’on fera de vraies économies. La décision est simple à prendre : il suffit de changer de lieu d’achat ! Rien de tel pour modifier ses habitudes que de changer de rayons !
Choisir le bio (ou les produits du terroir via les marchés ou les AMAP), c’est dire clairement non à quantité de dérives. C’est faire le choix du vrai sur l’artificiel, de l’être sur le paraître, de la proximité sur le lointain, de l’homme sur la finance. C’est refuser la norme et la bergerie. Bref, c’est gagner en liberté et en mieux-être !
Le choix essentiel de la consomm’action
Nos plus grosses pierres sont prioritaires dans le récipient de notre vie : si nous commençons par les cailloux ou les brindilles, nous n’aurons bientôt plus de place pour ce qui compte vraiment.
Cette règle de vie s’applique également à la consommation : pour l’apprécier, il convient de lui donner du sens et une base stable. Le superflu, sans être toujours inutile, est rarement indispensable à notre bien-être. Arriver à le limiter pourrait même être la source d’une grande satisfaction : « J’ai réussi à m’en passer, j’ai réussi à dire non, je suis devenu consommacteur ! »
Evidemment, tout cela exige un peu de temps et d’effort : l’action nous engage à réfléchir à notre environnement, à notre nature, aux manipulations du système, ainsi qu’à nos erreurs passées… qui n’en n’étaient pas vraiment puisque nous n’étions pas au courant ! Le passé est dépassé mais je suis désormais dans le contrôle de mon pouvoir de choix présent.
Qu’allons-nous donc faire ? Continuer comme si de rien n’était ? « Si tu fais ce que tu as toujours fait, tu obtiendras ce que tu as toujours obtenu » dit un proverbe. Une vie plus riche et plus saine découle naturellement de nouvelles habitudes. Celles de l'écologie personnelle et des 8 fondamentaux mais, toutes aussi importantes, celles de la consomm’action ! Du con au consommacteur, il n’y a finalement que quelques tamis à utiliser…
Pour en savoir plus sur la consommaction et la simplicité volontaire
Le portail mieux-être de référence : www.lemieuxetre.ch Le site (plus moderne) des solutions écologiques : www.solutionsbio.ch
Les ouvrages mieux-être et contentement personnel : www.lemendiant.fr
Le boycott des bouteilles en plastique : www.boycottplastique.com Mon livre : Les sens du Tao (Ed Entrelacs, 2007)
Kommentare